fem_110527

Troisième dimanche de carême, année liturgique A, couleur liturgique violet.
ÉVANGILE – selon saint Jean 4, 5 … 42  (lecture brève)

En ce temps-là,
5 Jésus arriva à une ville de Samarie, appelée Sykar,
près du terrain que Jacob avait donné à son fils Joseph.
6 Là se trouvait le puits de Jacob.
Jésus, fatigué par la route, s’était donc assis près de la source.
C’était la sixième heure, environ midi.
7 Arrive une femme de Samarie, qui venait puiser de l’eau.
Jésus lui dit :
« Donne-moi à boire. »
8 – En effet, ses disciples étaient partis à la ville
pour acheter des provisions.
9 La Samaritaine lui dit :
« Comment ! Toi, un Juif, tu me demandes à boire,
à moi, une Samaritaine ? »
– En effet, les Juifs ne fréquentent pas les Samaritains.
10 Jésus lui répondit :
« Si tu savais le don de Dieu
et qui est celui qui te dit : ‘Donne-moi à boire’,
c’est toi qui lui aurais demandé,
et il t’aurait donné de l’eau vive. »
11 Elle lui dit :
« Seigneur, tu n’as rien pour puiser,
et le puits est profond.
D’où as-tu donc cette eau vive ?
12 Serais-tu plus grand que notre père Jacob
qui nous a donné ce puits,
et qui en a bu lui-même, avec ses fils et ses bêtes ? »
13 Jésus lui répondit :
« Quiconque boit de cette eau
aura de nouveau soif ;
14 mais celui qui boira de l’eau que moi je lui donnerai
n’aura plus jamais soif ;
et l’eau que je lui donnerai
deviendra en lui une source d’eau
jaillissant pour la vie éternelle. »
15 La femme lui dit :
« Seigneur, donne-moi de cette eau,
que je n’aie plus soif,
et que je n’aie plus à venir ici pour puiser.
19 Je vois que tu es un prophète !…
20 Eh bien ! Nos pères ont adoré sur la montagne qui est là,
et vous, les Juifs, vous dites
que le lieu où il faut adorer est à Jérusalem. »
21 Jésus lui dit :
« Femme, crois-moi :
l’heure vient
où vous n’irez plus ni sur cette montagne ni à Jérusalem
pour adorer le Père.
22 Vous, vous adorez ce que vous ne connaissez pas ;
nous, nous adorons ce que nous connaissons,
car le salut vient des Juifs.
23 Mais l’heure vient – et c’est maintenant –
où les vrais adorateurs
adoreront le Père en esprit et vérité :
tels sont les adorateurs que recherche le Père.
24 Dieu est esprit,
et ceux qui l’adorent,
c’est en esprit et vérité qu’ils doivent l’adorer. »
25 La femme lui dit :
« Je sais qu’il vient, le Messie,
celui qu’on appelle Christ.
Quand il viendra,
c’est lui qui nous fera connaître toutes choses. »
26 Jésus lui dit :
« Je le suis,
moi qui te parle. »

39 Beaucoup de Samaritains de cette ville crurent en Jésus.
40 Lorsqu’ils arrivèrent auprès de lui,
ils l’invitèrent à demeurer chez eux.
Il y demeura deux jours.
41 Ils furent encore beaucoup plus nombreux à croire
à cause de sa parole à lui,
et ils disaient à la femme :
42 « Ce n’est plus à cause de ce que tu nous as dit
que nous croyons :
nous-mêmes, nous l’avons entendu,
et nous savons que c’est vraiment lui
le Sauveur du monde. »


L’eau courante n’apporte pas avec elle que des bienfaits ; nous ne connaissons plus les rencontres autour du puits, le puits en plein désert ou le puits du village : combien de relations sont nées là, combien de mariages dans la Bible ? Auprès d’un puits, le serviteur d’Abraham a rencontré Rébecca, celle qui devait devenir la femme d’Isaac ; auprès d’un puits, Jacob s’est épris de Rachel ; auprès d’un puits de Palestine, Jésus entame l’un des dialogues les plus célèbres de l’évangile de Jean, le dialogue avec celle qu’on appelle désormais la Samaritaine.
Jésus est de passage en Samarie, en route vers la Galilée ; il a quitté la Judée où les Pharisiens commencent à le surveiller ; il est environ midi : pourquoi Jean précise-t-il l’heure ? Dans un pays chaud, ce n’est pas l’heure d’aller puiser de l’eau ; la Samaritaine, mal vue dans son village, choisit-elle cette heure précisément pour ne rencontrer personne ? Ou bien Jean veut-il nous faire entendre que c’est l’heure de la pleine lumière et que la lumière du monde vient de se lever sur la Samarie, avec la révélation du Messie ? Car aux yeux des Pharisiens la Samarie passait pour avoir bien besoin de conversion.
La brouille entre Judéens et Samaritains remontait loin : du côté de Jérusalem, on considérait depuis longtemps les Samaritains comme des hérétiques, parce que certains d’entre eux descendaient de populations païennes installées là par l’empire assyrien après la conquête de Samarie. Mais, soyons francs, les Samaritains le leur rendaient bien ; car il n’y avait quand même pas que des descendants de populations déplacées parmi eux ; il y avait également des descendants des tribus du Nord et qui essayaient tout autant que les habitants de Jérusalem de rester fidèles à la loi de Moïse ; et ils trouvaient tout autant de reproches à faire à ceux qui se croyaient plus purs qu’eux à Jérusalem. L’inimitié était donc parfaitement réciproque et la méfiance mutuelle n’avait fait que se durcir au cours des siècles ; on la ressentait très nettement à l’époque du Christ. D’où l’étonnement de la femme de Samarie : un Juif s’abaisserait-il à lui demander quelque chose ?
Mais simplement parce qu’elle l’a écouté, Jésus peut lui proposer le don véritable « Si tu savais le don de Dieu, si tu connaissais celui qui te parle » ; le don de Dieu, c’est Jésus lui-même ; c’est de le connaître : Jésus le redit dans sa dernière prière, toujours dans l’évangile de Jean « La vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi et celui que tu as envoyé » (Jn 17,3).
Bien qu’ils soient des hérétiques aux yeux des Pharisiens de Jérusalem, les Samaritains attendent, eux aussi, le Messie et ils savent qu’il leur fera tout connaître : comme la Samaritaine le dit à Jésus « Je sais qu’il vient le Messie, celui qu’on appelle Christ. Quand il viendra, il nous fera connaître toutes choses ». Simplement parce qu’elle a accepté le dialogue, parce qu’elle a été ouverte, parce qu’elle a demandé de bonne foi une explication sur ce qu’il fallait faire pour plaire à Dieu, elle peut entrer dans cette connaissance du Messie « Je le suis, moi qui te parle ».
Tout au long de ce récit, Jean nous fait comprendre qu’avec la venue du Messie, la face du monde est changée : toutes les questions ont trouvé leur réponse, les temps sont accomplis : l’heure vers laquelle tendait toute l’histoire humaine a sonné. Désormais, le culte n’est plus une affaire de lieu, de temple, de montagne. L’eau vive jaillit dans chaque coeur croyant : « Celui qui boira de cette eau que moi je lui donnerai n’aura plus jamais soif ; et l’eau que je lui donnerai deviendra en lui source jaillissante pour la vie éternelle ». Vous avez remarqué l’insistance de Jésus sur le don : avec le Dieu d’amour tout est don et pardon ; la Samaritaine qui se sait bien peu vertueuse accueille tout simplement, (plus simplement que d’autres, peut-être ?) le don et le pardon.
Et quand Jésus parle de source jaillissante, il veut peut-être dire que l’eau qui jaillit des coeurs croyants peut désormais en abreuver d’autres ? En tout cas c’est ce que vivra la Samaritaine qui aussitôt va dire à toute la ville « J’ai rencontré le Messie ».

banner_mnt