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La résurrection est au cœur de la foi chrétienne, et pourtant c’est une vérité difficile à croire… Sur quoi nous appuyons-nous pour l’affirmer  ?

Manifestement, les récits évangéliques changent de ton quand ils abordent la résurrection de Jésus. Autant la mise en croix et la mort de Jésus étaient publiques – tout habitant de Jérusalem qui passait par là pouvait en être le témoin -, autant la résurrection se trouve attestée de manière quasi confidentielle. Jésus ne se livre à aucune manifestation publique. Il se montre seulement à ses disciples, c’est-à-dire à des hommes et à des femmes qui l’avaient déjà connu et avaient commencé à croire en lui.

L’annonce publique de la résurrection de Jésus fut le fait des disciples eux-mêmes. Pensons au discours de Pierre, situé par Luc au jour de la Pentecôte et à son affirmation « formidable » : « Cet homme que vous avez fait crucifier par la main des impies, Dieu l’a ressuscité, nous en sommes témoins » (Ac 2,23-24, 32).

Mais ce témoignage se présente lui-même comme un témoignage de foi. Si les apôtres ont reconnu Jésus ressuscité, ce n’est pas seulement avec les yeux du corps, mais aussi avec les yeux de la foi. Ce témoignage est donc très original.

L’originalité des témoignages de la résurrection

Prenons donc acte tout d’abord de la manière dont se présentent à nous les témoignages de la résurrection de Jésus. Ils sont originaux et se distinguent des autres récits de la vie de Jésus. D’abord, personne ne se présente comme le témoin du moment même de la résurrection. Jésus mort a été déposé au tombeau, puis le tombeau a été trouvé ouvert et vide. Certains aujourd’hui sont fascinés par l’idée de ce qu’aurait pu enregistrer une caméra située dans le tombeau au moment de la résurrection de Jésus. Elle n’aurait rien enregistré du tout, tout au plus une disparition.

En effet, l’annonce de la résurrection la présente comme une échappée transcendante du corps de Jésus à la continuité de notre espace et de notre temps. Comme nous aurons à revenir sur cette double continuité, appelons-là désormais le continuum spatio-temporel, selon l’expression reçue. En ce sens là, la résurrection est pour nous mystère.

Cette échappée au continuum spatio-temporel correspond bien à l’enseignement apostolique. Les récits des apparitions montrent que le mode de relation des apôtres à Jésus a complètement changé. Celui-ci n’est plus un compagnon habituel de leur vie. Il se manifeste et il disparaît selon sa libre initiative. Il vit désormais dans un monde « autre ». Nous voudrions beaucoup pouvoir décrire ce monde, mais comme il s’agit du monde de Dieu lui-même, il nous échappe totalement. Paul n’hésite même pas à parler de « corps spirituel », pour souligner la discontinuité entre le corps terrestre et le corps ressuscité.

Une arrachée à notre condition mortelle

Nous pouvons donc dire que la résurrection de Jésus n’est pas son retour à la vie temporelle, mais une arrachée à notre condition mortelle et une entrée dans le monde propre de Dieu. Ici, nous devons nous contenter de signes très discrets : l’affirmation que son tombeau a été trouvé vide et le témoignage de ses disciples qui prétendent l’avoir « vu » vivant. Bien entendu, cette « vue » est elle-même paradoxale. Puisqu’ils n’étaient pas ressuscités, les disciples ne pouvaient voir le ressuscité tel qu’il est en lui-même au regard de Dieu. Mais Jésus a pris les moyens nécessaires pour se faire reconnaître d’eux.

 

Le lecteur attentif des récits de la résurrection sera sans doute surpris des divergences qui existent entre elles. On a pu parler de « l’anarchie des témoignages » (Ch. Perrot). Sans doute, la concordance dans l’affirmation majeure est-elle totale. Mais il est impossible d’harmoniser les récits et d’en reconstituer une séquence chronologique cohérente. La liberté absolue et transcendante des manifestations de Jésus se traduit par la discontinuité entre les récits. La résurrection ne peut se raconter comme la Passion, parce qu’elle est d’un tout autre ordre. Nous sommes devant un « tumulte et un déferlement de paroles » (Ch. Perrot). Mais ces paroles ont l’intérêt de manifester l’indépendance relative des témoins.